Témoignage du Père Bernard K.

Père Bernard K. prêtre de Côte d'Ivoire, est en mission en France sur le diocèse de Rodez Vabres depuis août 2016. Arrivé sur la paroisse de Millau, il y est resté jusqu'en 2020, et aujourd'hui sur Rodez, il se rend disponible également sur notre paroisse à la Primaube, Ceignac..


Je suis né le 23 janvier 1973 en Côte d’Ivoire, à Yamoussoukro, la capitale politique (Abidjan étant la capitale administrative).

Une partie de ma famille était catholique : j’avais des oncles et des tantes baptisés ; l’autre partie de ma famille était animiste. Ma mère n’était pas baptisée mais je suis allé au catéchisme. C’est d’ailleurs une aveyronnaise, Sœur Marguerite Canitrot, de la Communauté de la Sainte-Famille, qui m’a fait le catéchisme à mon adolescence. Devenu adulte, j’ai travaillé dans une industrie du bois à San Pedro. La vie sacerdotale ne faisait pas partie de mes projets de vie.


Je ressentais beaucoup d’amour dans le cœur, un grand désir de servir, de la charité, de la compassion. Au fur et à mesure que le temps passait, je sentais que j’étais porté par quelque chose. Aussi, j’avais envie de prier, d’être davantage en communion avec le Seigneur. En même temps, comme j’étais jeune, je voulais sortir avec les copains et m’amuser. Je faisais de la résistance par rapport à cet appel que je ressentais en moi, c’est à dire ; l’envie de faire don de ma vie au Seigneur pour les humains. Je suis allé à l’église prier le Seigneur pour arriver à comprendre ce qui m’arrivait. Un prêtre m’a conseillé de ne pas résister

J’ai fait alors un courrier pour demander à me faire suivre pendant une semaine de discernement au sanctuaire Notre-Dame de la Délivrance à Issia fondé par un prêtre français à l’époque missionnaire, fidei donum plusieurs dizaines d’année durant. Après la semaine de discernement, j’ai rencontré ce prêtre et il m’a dit que c’était une vocation sacerdotale au bout d’une demie heure d’échange. Personne ne s’attendait à cela dans mon entourage, ni ma famille ni mes copains.

J’ai continué à correspondre avec ce prêtre, qui s’appelle père Paul Pageaud. Il a parlé de moi à l’évêque de San-Pédro, qui m’a demandé de venir le voir. Après l’entretien, il m’a demandé de me mettre à genoux et il m’a béni en posant ses mains sur ma tête. Puis quelques années après, je suis entré au Séminaire en tant que personne ayant une vocation tardive.

Après le séminaire de propédeutique (année de spiritualité), du cycle de philosophie et de théologie, s’est effectué le 29 septembre 2007 l’ordination diaconale. Le 2 février 2008, j’ai été ordonné prêtre et nommé responsable des vocations du diocèse le jour même. La célébration fut émouvante, et recevoir cette responsabilité, encore plus. Je devenais donc prêtre du diocèse de San Pedro, au Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire. J’y suis resté prêtre pendant trois ans, en équipe avec un Italien et un Nigérian à la paroisse saint Louis de Tabou. Puis j’ai été nommé curé à la paroisse saint André de Sassandra. C’est une région touristique située au bord de l’océan Atlantique ou des communautés venues de certains pays voisins exercent en tant que pêcheurs ou encore dans d’autres secteurs d’activités commerciales. Elles expriment une vie de foi très volontaire envers le seigneur qui embellie la vie paroissiale, la communauté locale.

Après Sassandra, j’ai assuré des responsabilités dans deux secteurs paroissiaux où cohabitent plusieurs brassages de nationaux et peuples étrangers investis dans le cacao culture, de l’hévéa et du palmier à huile.

Suite à toutes ces missions, l’évêque m’a proposé de venir en mission en Aveyron, en raison du manque de prêtres. J’ai eu l’occasion de venir en France, en région parisienne avant ma venue en mission...

C’est alors en août 2016 que je suis arrivé à Toulouse d’où le père Jean-Claude Lazuech est venu me chercher. C’est ensuite que j’ai intégré l’équipe de Millau constituée des pères Jean Claude, Florent Dixneuf, Pierre Gauthier. A partir de ce temps-là, je me suis senti accueilli avec joie et plaisir. Jean-Claude avec les autres confrères et les fidèles de Millau ont été bienveillants, accueillants. Le souvenir de cet accueil reste encore aujourd’hui pour moi comme une force, un enrichissement. Le père Jean Claude sait encourager et féliciter. Il ne cessait de me remerciait pour ce que j’apportais, ma chaleur africaine, ma convivialité. « Tu as oxygéné, avec ta fraîcheur, ta chaleur et ton talent, notre communauté de prêtres », m’a-t-il dit !

Je suis resté à Millau de 2016 à 2020, avec le père Lazuech puis par la suite le père Quintard, Manoj et Gauthier. Nous étions quatre prêtres à Millau. L’évêque a voulu pour l’année 2021 équilibrer les équipes et m’a demandé de venir à Rodez. Ici, j’accompagne les Scouts, je célèbre à la cathédrale, à l’église du Sacré-Cœur, de Gourgan, à La Primaube, et à la basilique notre dame de Ceignac. Je me tiens en tant que prêtre disponible aux services de toute personne, de ceux et celles qui souhaitent se faire accompagner dans leur cheminement de foi….

Mon loisir, c’est la convivialité, rencontrer, échanger, la natation, la marche... Jovial, taquin par moment. Mon rôle de prêtre, c’est d’aller vers toute personne. En ce qui concerne mes vacances, je vais en côte d’ivoire une fois tous les deux ans. J’y étais en janvier dernier à Yamoussoukro ville situé au centre du pays où demeure ma famille.

En ce qui concerne mon père il est décédé à ma première année de séminaire. Durant ma formation, ma famille a vu en moi un changement qui a dû se communiquer à elle... je l’ai accroché avec ma foi. Ce qui a conduit au baptême de ma mère à 75 ans, sa sœur aînée centenaire a elle aussi fait sa communion trois années plus tard. Des neveux, des nièces, des cousins âgés de 60 ans se sont fait baptiser. Ma vocation a donc suscité des conversions dans ma famille.

A Millau j’avais beaucoup de contacts avec des personnes de la rue, livrées à elles- mêmes. Vue mon contact facile de nature, je parlais avec eux, je partageais leur quotidien dans le but de les soutenir, les encourager à garder espoir pour un avenir meilleur. Ceux-ci m’invitaient partager avec eux leur repas avec joie. De mon côté, je faisais à manger chez moi, je l’apportais à leur lieu de rassemblement (après qu’ils aient fait la manche...) et on mangeait ensemble. J’essayais de les orienter vers Emmaüs pour le renouvellement de leurs vêtements et divers besoins, les encourager à quitter la rue, qu’ils se découvrent à la fois utiles et à la fois que leur vie a un sens. Ils ne savaient pas que j’étais prêtre au début de nos rencontres. Il y en a un qui m’a reconnu un jour, parce qu’il faisait la manche à l’entrée de la communauté des Clarisses de Millau. Vu leurs situations, je m’étais approché d’eux et leur témoigner de l’amour du Christ présent en toute personne.

Pour ainsi, il s’agit pour ma part de la personne humaine en souffrance à consoler, réconforter pour un horizon meilleur avec le Christ, don de Dieu pour l’humanité qui se manifeste dans et par chaque baptisé, disciple missionnaire...

Ma vie de prêtre ne se limite pas aux « quatre murs de l’église ». J’aime rencontrer tout le monde sans exception : Dieu ne fait pas de différence entre les êtres humains.

En Côte d’Ivoire, plus de la moitié de la population est étrangère. L’Ivoirien n’est pas violent, il a le sens de l’accueil et du partage. Nous ne faisons pas de différence entre les étrangers et nous. Nous avons un potentiel économique important. La plupart de ceux qui viennent sont des commerçants musulmans. Nous n’avons pas de problèmes interreligieux et ethniques mais il y a beaucoup de manipulations politiques pour créer des affrontements entre communautés et les populations.

L’urgence d’être prêtre, c’est ici. En Côte d’Ivoire, on a entre deux à cinq prêtres par paroisse et ils sont jeunes comme par le passé en France. J’ai accompagné pas mal de jeunes au sacerdoce : j’avais une quarantaine de séminaristes sur mon diocèse. A chaque célébration, les missionnaires français en côte d’ivoire lançaient un appel aux jeunes, en les invitant à répondre à l’appel de Dieu. C’est pourquoi Il faut encourager et accompagner ceux qui sentent l’appel à y répondre. Le monde a plus que besoin de prêtres.

Ici, j’encourage les familles à retrouver le chemin de l’église, à retrouver les valeurs chrétiennes. Vue le contexte actuel, c’est à la lumière de la foi que le monde sera sauvé. Avec tout ce que nous voyons autour de nous ici en France et partout ailleurs, je souhaite que le peuple français ma terre de mission et bien d’autres nations retrouvent leurs racines chrétiennes, pour supprimer d’abord dans nos cœurs les racines du mal.

Pour exprimer ce que je ressens par rapport à l’actualité, je procède à faire de la peinture sur toile à l’acrylique. J’ai découvert ce talent par Clément Pons ; un Scout de Millau qui m’a dit que je devrais faire de la peinture et j’ai essayé. Et cela m’a plu. Je me suis lancé à faire de la peinture abstraite avec des couleurs et des lignes pour symboliser ce que je ressens par rapport à la souffrance humaine.