Entretien avec Cécile

Cécile est membre du Conseil Pastoral de Notre-Dame de l’Aube et participe à l’animation de la Petite Eglise des Enfants, à l’église de La Primaube. Pour nourrir nos réflexions à l’occasion du dimanche de la Santé le 13 février 2022, nous lui avons demandé de nous parler de son métier de pharmacienne, qu’elle exerce avec passion.


Chez Nous : Qu’est-ce qui vous plaît dans le métier de pharmacienne ?


J’ai choisi ce métier pour l’accueil et l’écoute des patients. Il faut savoir que les pharmaciens n’ont pas le droit de s’installer n’importe où : le nombre de pharmacies est lié au nombre d’habitants d’un territoire. De ce fait, en France, le maillage des pharmacies est régulier et dense. Tout le monde a une pharmacie à quinze minutes en voiture de chez soi, en accès direct, sans rendez-vous, ouvert tôt le matin et tard le soir. Même au pire de la crise sanitaire, les pharmacies ont toujours été ouvertes.

Le pharmacien est souvent le premier recours du patient. C’était le cas avant, et depuis la crise sanitaire, cela se manifeste de plus en plus.

Pendant la crise, les gens craignaient les salles d’attente bondées et maintenant, en attendant un rendez-vous chez le médecin, beaucoup de personnes prennent l’avis de leur pharmacien.

Chez Nous : Dans quels cas pouvez-vous donner un avis aux patients ?


Cécile : Nous ne sommes pas seulement des vendeurs de médicaments sur ordonnance. Les patients viennent aussi sans ordonnance. Ils nous demandent des solutions en médecine naturelle, pour des pathologies simples, comme des rhumes ou des troubles digestifs. Mais si un trouble ne guérit pas avec des médicaments naturels, au bout de quelque temps, on oriente le patient vers un médecin. Ou bien si un patient se sent fatigué ou a mal à la tête, on lui prend la tension et si elle est trop élevée, on peut l’envoyer chez le médecin.

Les gens nous consultent aussi pour de petites blessures. On peut les soigner ou si nécessaire les orienter vers un médecin ou les urgences.

Autre exemple : en cas de demande de produits pour maigrir, on interroge la personne sur sa prise de poids et son mode de vie, et on peut l’orienter vers une diététicienne ou un médecin. Un produit peut éventuellement aider à démarrer un changement d’hygiène de vie, mais la vente n’est pas le but premier. En cas de diabète, on peut aussi orienter la personne vers une activité physique adaptée.

Nous avons une double casquette, la vente et le conseil, ce qui fait que parfois on peut se sentir en porte-à-faux, mais l’intérêt du patient-client est notre priorité. Après 6 ans d’études et sa soutenance de thèse qui lui donne le titre de docteur en pharmacie, le pharmacien prononce le serment de Galien*. C’est un engagement moral.

Je crois que les gens sont conscients du sérieux de notre démarche. Il existe des pharmacies discount qui pratiquent des prix plus bas sur la parapharmacie (le bien-être et la beauté). Les gens peuvent y faire des achats, mais quand il y a une problématique au long cours ou en cas de problème plus grave, ils se tournent vers leur pharmacien de famille.


Chez Nous : qu’est-ce que la pandémie a changé pour les pharmaciens ?


Cécile (en riant) : Beaucoup de choses ! Les autorités médicales nous ont attribué de nouvelles fonctions, du fait de notre disponibilité sur le territoire, comme je vous l’ai dit. Depuis 4 ans, déjà, nous sommes habilités à vacciner contre la grippe. Les piqûres font partie du cursus des jeunes pharmaciens. Les plus âgés (comme moi !) se sont formés à cet acte. De la même façon, on nous a formés pour faire des tests.

On a aussi été chargés de centraliser les masques et les tests et de les distribuer aux autres professionnels (infirmiers, médecins, kinés, sage-femmes, dentistes). Ici, on n’a pas trop ressenti le manque de masques à destination des professionnels.

Pendant le confinement, on était même habilités à alerter la gendarmerie en cas de patiente victime de violences conjugales. Heureusement, ce cas ne s’est jamais présenté pour moi.


Chez Nous : Et maintenant que les choses rentrent un peu dans l’ordre ?


Cécile : La pandémie laisse des traces. Elle a révélé de belles choses, des actes de solidarité et de dévouement, mais d’un autre côté, il y a eu aussi une tendance au chacun pour soi et au moi d’abord, chez les patients et aussi parfois chez les professionnels.

Nos nouvelles missions nous ont remis au cœur du système de santé. C’est une revalorisation pour nous, mais en même temps c’est une source de stress, il y a un essoufflement dans la profession. Les patients n’ont pas toujours été compréhensifs quand nous étions dans l’impossibilité de répondre à leurs demandes de masques ou de médicaments.

Nous avons l’autorisation d’ouvrir le dimanche pour vacciner ou faire des tests, mais tous les pharmaciens ne le font pas, loin de là. Il ne faut pas oublier qu’autour de ces actes, il y a tout un travail administratif à faire. Et puis notre vie de famille existe aussi, c’est important de nous laisser un peu de répit. Maintenant, un responsable de pharmacie doit aussi faire face à la difficulté de trouver des remplaçants en cas d’arrêt de travail d’un salarié.


Chez Nous : Vous pouvez nous en dire plus sur la situation des pharmaciens dans le système de santé français ?


Cécile : Ce qui me paraît intéressant à souligner, c’est l’évolution des relations avec les médecins et les infirmières : un vrai dialogue pour le bien-être des patients s’est mis en place. Les pharmaciens en sont revalorisés tout comme les infirmières libérales. En un quart d’heure de consultation, le médecin ne voit pas forcément l’évolution de certains patients âgés : apparition d’une incontinence, de troubles de la mémoire ou de l’appétit. Les infirmières qui les voient tous les jours peuvent noter cette évolution et en informer le médecin.

Nous aussi, nous voyons les patients plus souvent que le médecin, qui parfois ne les voit que pour un renouvellement des médicaments. Les gens peuvent nous confier des choses qu’ils n’ont pas le temps de dire à leur médecin. On n’hésite pas à appeler le médecin pour lui parler d’un problème qu’on a pu ressentir en parlant avec le patient au comptoir. On connaît l’entourage de nos patients, on demande des nouvelles des parents, des enfants, du conjoint. J’aime beaucoup être au cœur de ce réseau de relations bienveillantes.

Quand on regarde la pyramide des âges, on voit bien que les deux extrémités de la vie, enfants et personnes âgées constituent le plus gros de notre clientèle. Protéger les plus fragiles, c’est une belle mission !


*Serment de Galien, prononcé par les pharmaciens après leur thèse :

« Je jure, en présence des maîtres de la faculté, des conseillers de l’ordre des pharmaciens et de mes condisciples : D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur enseignement ; D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement ; De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine. En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères

si j’y manque. » - Galien

Galien était un médecin de culture grecque, né dans l’actuelle Turquie, au deuxième siècle. Dans ses écrits sur les médicaments, il a rassemblé les principales connaissances de son temps et les a complétées par ses expériences personnelles. Son enseignement sur les médicaments naturels a été conservé et transmis pendant des siècles, en partie par la culture musulmane.