Témoignage de
Philippe


Pourquoi me voit-on de plus en plus à Ceignac ?

En réalité, je ne suis pas un nouveau venu mais un revenant car ma découverte de Ceignac date d’un Pèlerinage des familles, en mai 1987, auquel j’ai participé avec mon épouse et nos quatre enfants : célébration, pique-nique dans la prairie, animation, ce fut un moment très fort. Puis j’y suis venu régulièrement en famille ou seul avec mon épouse pour participer aux rencontres de la Pastorale familiale initiée par Mgr Roger Bourat. A l’époque, nous habitions à Sébazac (depuis plusieurs années nous sommes installés au Monastère après avoir vécu aussi à Rodez).

Et la dernière fois que nous sommes venus tous en famille à Ceignac, c’était le 20 juillet 2019 pour le baptême de notre avant dernière petit enfant, un mois et demi avant le décès de mon épouse : ce fut sa dernière sortie… avant son retour au Père !

Le sanctuaire marial me touche de plus en plus grâce notamment à la présence maternelle de Marie qui adopte chacun de ses enfants et les abrite sous son voile : la Sainte Vierge est comme une maman poule qui rassemble ses petits pour les consoler, les écouter et les amener à Jésus. Contrairement à Lourdes qui a une vocation internationale, il me semble que la vocation mariale de Ceignac est davantage diocésaine.

Je suis également sensible à Ceignac à cause de son lien avec la première évangélisation par saint Martial qui y est passé en allant évangéliser Cahors et le Limousin.

Un autre lien fort auquel je suis particulièrement sensible, c’est la présence du bienheureux Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus : ce prêtre carme aveyronnais, fondateur de l’Institut Notre Dame de Vie, a fait ses premiers pas dans la basilique de Ceignac, amené en pèlerinage auprès de la Sainte Vierge par sa maman !

Mon épouse avait, quant à elle, un très vif attachement à Ceignac parce que c’est un sanctuaire marial et qui plus est diocésain. Elle a pu voir avec grande joie et espérance les premiers germes de la renaissance de ce sanctuaire après son long temps de désert.

Avant son départ, elle a promis que de là-haut elle s’occuperait de Ceignac. Je m’inscris donc dans cette grande espérance et vous pouvez comprendre pourquoi j’aime y venir autant que possible pour participer aux temps spirituels qui s’y vivent : messe, adoration, célébrations ou animations culturelles et cultuelles, pèlerinages… ce qui est bien plus aisé maintenant que je suis à la retraite.

Il faut dire ici que mon parcours n’est pas étranger à ce type d’engagement.

En effet, je suis né dans une famille chrétienne classique, une famille de la petite bourgeoisie, dans la Loire, aux goûts éclectiques, attachée à la tradition et ouverte à la modernité.

Ma famille a été très marquée par le frère de mon grand-père, Pierre Couturier, artiste peintre, élève de Maurice Denis, et, touché par la grâce un certain 2 février 1925, est alors entré chez les dominicains pour devenir le Père Marie-Alain Couturier : grand prédicateur et artiste peintre, nommé co-directeur de la revue « L’Art Sacré » en 1934, il a marqué de son empreinte le milieu artistique et ecclésiastique de son époque en tant que théoricien et critique d’art mais aussi comme enseignant et ami de nombreux artistes comme Matisse, Picasso, Léger, Green etc. Vibrant défenseur et rénovateur de l’art sacré jusqu’à son décès en 1954, il disait que l’Eglise devait faire appel aux plus grands artistes de son époque pour honorer Dieu à travers leur art sans s’arrêter au fait qu’ils ne soient pas ou peu croyants. Il a ainsi permis à certains artistes de renom mais non croyants de réaliser des ouvrages qui ont fait date : l’église de Ronchamp et le couvent des dominicains à l’Arbresle par Le Corbusier, la chapelle des dominicaines de Monteils à Vence par Matisse, l’église du plateau d’Assy par un panel de grands artistes dont Bonnard, Braque, Chagall, Léger, Lurçat, Matisse, Richer, Rouault,... Il les connaissait tous bien et entretenait avec chacun une relation de franche et libre amitié.

Hélas, je n’ai pas eu la chance de le connaître puisque j’avais 2 ans quand il est mort mais c’est lui qui m’a baptisé.

En grande partie grâce à son influence, ma famille était ouverte à toutes les formes d’art, la peinture bien sûr, mais aussi la musique, la littérature, l’architecture...

Côté scolarité, j’ai fait mes études au petit séminaire de Montbrison, où j’ai reçu une formation humaine et spirituelle forte. A 8 ans, je faisais partie de la chorale. A 18 ans, après le bac, j’ai commencé des études de droit, d’abord à Saint Etienne puis à Lyon. Parallèlement, je suis entré dans un groupe musical qui faisait de l’animation liturgique. Nous étions entre 20 et 30 jeunes. J’étais à la guitare et au chant. C’est dans cette ambiance stimulante que nous avons vécu Vatican II.

Un événement marquant : en 1974, avant la rentrée universitaire, je suis allé faire une retraite à La Trappe des Dombes. J’avais besoin de me recentrer après une rencontre éprouvante avec des Témoins de Jéhovah. Lors de mon trajet de retour vers Lyon, alors que j’étais au volant de ma voiture, pas loin d’Ars, j’ai eu mon chemin de Damas : j’ai fait l’expérience de pentecôte, une visite soudaine et fulgurante de l’Esprit Saint. Si auparavant je n’avais jamais douté de l’existence de Dieu, à ce moment-là, j’ai été saisi, embrasé par l’amour de Dieu, envahi par une joie intense, complètement soulevé et léger comme une plume : pendant trois jours je n’ai plus touché terre !

J’ai continué mes études et après 6 ans de droit et cette expérience de l’effusion du Saint Esprit, j’ai demandé à rentrer chez les Dominicains à Toulouse où j’ai fait un an de noviciat. A l’issue, on m’a conseillé de revenir dans le monde, ce qui m’a passablement troublé et désorienté... temporairement !

J’ai alors rempli mes obligations militaires avant de commencer à travailler à Paris.

Trois ans après, j’ai rencontré ma future épouse. Nous nous sommes mariés dans le Sud Aveyron, à l’abbaye de Sylvanès, avec le Père André Gouzes qui m’avait sollicité pour collaborer avec lui principalement pour éditer sa musique liturgique mais aussi pour la restauration de l’abbaye.

De son côté, mon épouse dirigeait l’école de musique de Millau. Toutefois, au bout de trois ans, des difficultés économiques à Sylvanès m’ont obligé à me reconvertir : c’est dans ces conditions que je suis devenu avocat en commençant à exercer à Millau avant de venir m’installer à Rodez 3 ans plus tard, mon épouse continuant son métier de professeur de musique, mais plus directrice !

C’est au cours de ces premières années que quatre beaux enfants sont venus combler notre foyer. Dans notre démarche spirituelle et soucieux de pouvoir transmettre l’essentiel du contenu de la foi à nos enfants, nous avons été mis en contact avec l’Institut Notre Dame de Vie à Venasque, la spiritualité carmélitaine et le Père Marie-Eugène, Noëlle Leduc et ses parcours catéchétiques. Nos trois filles y ont fait leur première communion pendant que nous, parents, avions notre retraite parentale !...

Mais Venasque, c’est loin ! Nous avons alors été mis en contact avec une communauté plus proche et toute fraichement née, la communauté charismatique « Le Verbe de Vie » à Aubazine en Corrèze. Nous y avons trouvé un lieu de ressourcement spirituel pour toute notre famille, notamment avec les week-ends ‘préparer Noël en famille’ ou les ‘festivals des familles’.

Il y a 25 ans, cette communauté nous a missionnés pour ouvrir une « Maison de l’Alliance du Verbe de Vie » à Rodez. Tous les 15 jours, chez nous, le jeudi soir (en référence au Jeudi Saint) nous nous retrouvons pour un temps de prière de louange, un repas partagé et un enseignement sur la parole de Dieu : il s’agit d’une lecture spirituelle de la Bible pour découvrir notamment à travers l’Ancien Testament comment est annoncée la venue du Christ. Nous accueillons des personnes de milieux très différents pour vivre ce temps fraternel et témoigner de l’espérance chrétienne.

Pendant la maladie de mon épouse et avant son départ au ciel, nous avions passé la main de la responsabilité de la Maison de l’Alliance.

Maintenant que j’ai 69 ans et que j’ai pris ma retraite d’un métier très prenant, je fais un break à la fois pour « dépasser » le décès de mon épouse, digérer ma vie professionnelle plutôt intrépide et me recentrer sur l’essentiel : écouter Dieu dans le silence pour discerner ce à quoi le Seigneur m’appelle aujourd’hui, sans oublier que j’ai des enfants et des petits-enfants qui restent une priorité, sans omettre de porter un regard privilégié sur Ceignac… ! Mais que la volonté de Dieu se fasse en toute chose.